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1 mars 2015 7 01 /03 /mars /2015 14:25

  A l'heure où le capitalisme donne des signes de plus en plus inquiétants de dérives socio-économiques dangereuses (chomage massif, concentration des richesses entre de moins en moins de mains, endettement financier inextricable dont on peine à identifier les acteurs...), le livre de Steve KEEN, professeur australien d'économie et de finance et spécialiste de la modélisation macroéconomique monétaire et directeur du département Économie, Histoire et Politique à l'Université de Kingston (Londres), indique la mesure des fausses routes de la science économique officielle.

Un certain nombre d'idées d'auteurs aux grandes erreurs mathématico-économiques sont détaillées dans son livre. Se situant dans la lignée montante d'économistes voulant refonder la "science économique" (dont d'ailleurs ils contestent souvent le caractère strictement scientifique s'appuyant en référence en sciences physiques), et rompre avec le néo-libéralisme, autant critiques vis-à-vis des libéraux que des marxistes (notamment sur la notion de valeur...), Steve KEEN reprend à gros frais l'ensemble des théories fondées sur la notion d'équilibre, au coeur des théories économiques dominantes.

C'est un livre à la lecture dont l'auteur averti d'emblée qu'elle exige un certain nombre de volume de café fort. Pédagogique mais n'épargnant pas la démonstration logique et mathématique, le pionnier qui a prévu (avec d'autres) l'effondrement de la finance mondiale des années 2000, livre pas à pas pourquoi l'ensemble des économistes orthodoxes n'ont ni vu ni compris les crises financières contemporaines. 

   Ce livre, qui n'exige pas d'avoir une maitrise en mathématiques, dans lequel d'ailleurs il fait l'économie des formules mathématiques pour s'attacher au sens des équations utilisées usuellement (avec tout de même un certain nombre de pages de logique mathématique...) est écrit, selon l'auteur lui-même "pour des lecteurs enclins à adopter une attitude critique envers l'économie, mais qui sont intimidés par son arsenal intellectuel. Je pars du principe que, bien que vous soyez sans doute familier des conclusions de la théorie économique, vous n'avez pas connaissance de la manière dont ces conclusions sont obtenues."

Au fil des chapitres, ce sont tous les principes, soit-disant bien fondés sur des mathématiques solides, qui sont démantelés au sens propre. Toutes les hypothèses de base de l'économie officielle sont exposées, parfois jusqu'à leur absurdité même, alors qu'on passe généralement assez vite dans les manuels pour étudiants, de quelques niveaux que ce soit, aux conséquences de ces hypothèses, alors même que des travaux des économistes de référence eux-mêmes, indiquent la nature erronée de ces hypothèses. La grande majorité des économistes officiels ignore ou fait semblant d'ignorer ces travaux-là, menés par exemple par des sommités comme HICKS ou LUCAS, auto-critiquant leurs propres approches une fois que les faits leur ait donné tort.

Une des raisons avancées de l'aveuglement général réside selon Steve KEEN, non dans une sorte de conspiration mais plutôt dans une "vision téléologique que les économistes ont adoptée depuis la première formulation par Adam Smith de l'analogie de la "main invisible", pour expliquer le fonctionnement d'une économie de marché. La vision d'un monde si bien coordonné qu'aucun  pouvoir supérieur n'est nécessaire pour le diriger et qu'aucun pouvoir individuel n'est suffisant pour le corrompre, a séduit l'esprit de nombreux jeunes étudiants de la discipline. Je devrais le savoir, car j'ai été l'un  d'entre eux ; si Internet avait existé à l'époque où j'étais étudiant, quelqu'un, quelque part, aurait pu mettre en ligne l'essai que j'avais écrit durant ma dernière année d'université, prônant l'abolition tant des syndicats que des monopoles. Aucune entreprise ne m'avait payé le moindre centime pour écrire ce papier (bien que désormais, si on avait accès à cet article, je serais heureux de payer une entreprise pour le dissimuler). Ce qui m'a permis de rompre avec cette analyse délirante fut ce que les Australiens appellent un "détecteur de foutaises". A un moment, l'absurdité des hypothèses requises pour soutenir la vision de la main invisible m'a conduit à rompre avec cette approche et à devenir l'économiste critique que je suis aujourd'hui." 

L'interprétation sociale, poursuit-il "un peu exagérée des raisons pour lesquelles les économistes néoclassiques ont prospéré constitue une part de l'explication de leur domination. Un grand nombre des chercheurs les plus fameux de l'économie académique américaine ont vécu au croisement entre l'académie, le gouvernement et les milieux d'affaires, la finance en particulier. Bien qu'effectivement à des années-lumière du monde réel, leurs théories ont fourni un écran de fumée derrière lequel a pris place une concentration sans précédent de la richesses et du pouvoir économique. Pourtant, elles sont devenies des outils utiles pour les riches financiers, même si elles sont inutiles - et en fait largement nocives - pour le capitalisme lui-même.(...)".

  L'auteur reste dans le cadre du fonctionnement du capitalisme et attaque autant les théories marxistes que les théories néo-libérales (notamment dans leur explication de l'évolution économique). Il estime que l'économie marxiste est bien plus solide une fois débarrassée de la théorie de valeur travail, et que bien de ses éléments cadrent plus avec le réel que bien d'autres théories. Analysant l'apport de bien de théories alternatives au l'économie néo-libérale (les écoles autrichienne, post-keynésienne, sraffienne, de la complexité et évolutionnaire), partisan plutôt de l'approche post-keynésienne, le professeur d'économie et de la finance estime qu'il existe bien des alternatives à l'économie officielle.

 

Steve KEEN, L'imposture économique, Les éditions de l'atelier, 2014, 520 pages environ.

 

 

 

    Relu le 28 décembre 2021

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