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20 mars 2014 4 20 /03 /mars /2014 14:47

    Thérèse DELPECH s'interroge sur la "façon dont les Soviétiques instrumentalisaient la maitrise des armements". Mais si l'on en a beaucoup débattu, comme elle l'écrit, on peut tout à fait se poser également la même question côté Américain. D'aucuns, comme Harold BROWN (Department of Defense Anneual Report, Fiscal Year 1979, ministère de la défense, Washington DC, février 1978), estiment que ces accords n'étaient que de peu d'utilités. D'autres font valoir encore aujourd'hui que cela a permis aux adversaires de mieux se comprendre et de limiter les forces les plus déstabilisantes. On pense surtout aux armes anti-missiles. 

 

De l'utilité des discussions autour de la maitrise des armements

"A l'époque où les Soviétiques croyaient qu'ils ne pouvaient pas rivaliser avec les États-Unis, ils ont peut-être tenté, par le biais des négociations, de limiter en fait les capacités américaines. Ce qui ne veut pas dire que la maitrise des armements n'ai joué aucun rôle pour que la guerre froide reste froide.

La plupart des experts, tout en concevant que les accords mal ficelés sont dangereux, ont compris ce qu'est la vraie nature de la maitrise des armements : une contribution à la stabilité qui a aidé les adversaires à garder le contact, les a encouragés à en apprendre davantage sur leurs capacités respectives (disons, entre nous que l'auteur a le sens de l'humour, le déploiement des services de renseignements des grandes puissance ne s'est jamais autant déployé que lors des négociations SALT...), a permis d'entretenir l'intérêt des électeurs pour la limitation de la course bipolaire aux armements (en vendant parfois, par médias médiocres interposés, du "désarmement"), et a favorisé l'abandon des systèmes d'arme les plus déstabilisants, ceux qui risquent de pousser à l'"attaque surprise". 

L'accent a ensuite été mise sur les inspections : des plans d'inspection mutuelle censés renforcer la confiance réciproque et donner l'alerte stratégique. L'objectif le plus important concernait la prévention des attaques surprises (Bernard BRODIE, The anatomy of Deterrence, RAND Corporation, Santa Monica, Californie, 1958, www.rand.org). Plus généralement, on réfléchissait à la maitrise des armements comme un outil visant à augmenter la stabilité lors de situations de crise et à réduire ainsi les risques d'erreurs humaines ou de calcul, aux conséquences meurtrières.

L'histoire de la maitrise des armements, illustre, écrit toujours Thérèse DELPECH, combien le monde occidental, obsédé qu'il était par l'URSS, s'est privé d'une plus large vision du monde. (...) La confrontation bipolaire préoccupait l'esprit des Occidentaux de manière si écrasante qu'ils proposèrent les accords SALT II - si décevants : un traité jamais ratifié (il fut bloqué par le Congrès après cinq ans de négociations) en raison de "l'état de l'équilibre des forces, des prédictions de tendances, de la pertinence des forces stratégiques au sein de la diplomatie, des superpuissances et des progrès des hautes technologies" (Colin GRAY; Nuclear strategy : The case for a theory of victory, dans onternational Security, volume 4, n°1, été 1979).

    En quoi ces événements de l'histoire récente sont-ils pertinents pour nous aujourd'hui? La maitrise des armements demeure un outil pour la stabilité, à condition néanmoins de se préparer convenablement à entamer des négociations, de régler les problèmes de détection des tricheries, de réagir efficacement aux violations, de proscrire comme trop dangereux les accords mal ficelés, et de faire en sorte que les négociateurs cherchent à mener à bien une stratégie plutôt que de lancer et de poursuivre un "processus", dans le seul but de le mener à terme. Pour ce qui est des négociations entre les États-Unis et la Russie, le ralentissement, voire l'arrêt, du processus de réduction des armes nucléaires est le scénario le plus probable à la date d'aujourd'hui (l'auteur écrit en 2009).

 

Le concept de maitrise des armements et son contexte

   Jean KLEIN expose les conditions dans lesquelles intervient le concept de la maitrise des armements, qui concernent en premier lieu (et au début exclusivement) les armements stratégiques nucléaires. Si l'on peut considérer les efforts de réduction ou de stabilisation des dépenses militaires ou les accord concernant les armements conventionnels comme faisant en fin de compte partie de la maitrise globale des armements, il s'agit surtout celle des armements nucléaires. 

"La limitation des armements stratégiques procède de la volonté des dirigeants américains et soviétiques de prévenir la guerre nucléaire et de maitriser le rythme de la course aux armements dans laquelle ils s'étaient engagés au début de la guerre froide. Cette préoccupation s'est surtout manifestée aux États-Unis après le lancement du "Spoutnik" (octobre 1957) qui avait mis en évidence la vulnérabilité (en fait, mentionnons-le ici, il s'agit surtout d'un sentiment, très loin d'une réalité matérielle...) du territoire américain à des frappes nucléaires soviétiques. Pour conjurer cette menace, on ne pouvait escompter un aboutissement rapide des négociations en vue du désarmement général et complet qui étaient dans l'impasse et plutôt que de s'assigner un objectif aussi ambitieux on préféra accorder la priorité à la stabilisation de l'équilibre sur lequel reposait la dissuasion réciproque. Cette pratique était conforme aux prescriptions de la "maitrise des armements" (arms control) dont la théorie fut élaborée aux États-Unis sous les auspices de l'Académie des arts et des sciences et fit l'objet d'un exposé systématique de la revue Daedalus à l'automne 1960."

De cette intention de maitrise des armements nucléaires, bien plus présentes aux États-Unis qu'en URSS, proviennent les différents accords SALT I (1972), ABM (1974), SALT II (1979), START, FNI (1987), accords souvent mal ficelés, partiels, conclus souvent sous une contrainte politico-diplomatique, voire médiatique qui laisse peu de marges de manoeuvres aux négociateurs directs pour les établir dans des bases juridiques et techniques solides. Toutefois, cela entre dans un bras de fer diplomatico-stratégique, avec le renforcement de certaines contraintes visant la vérification de la conformité des comportements à ces accords, qui parvient à stabiliser, voire à diminuer, le nombre d'armements nucléaires. Ces accords sont ausi, d'une certaine manière, une sorte de guide pour les différents complexes militaro-industriels afin d'orienter leurs recherches technologiques. Ces accords, parfois soumis à la contrainte de ces derniers, vont de pair avec le développement qualitatif de nombreux armements. 

Jean KLEIN, malgré les imperfections de ces accords, par rapport à un désarmement effectif, estime que "les États-Unis et la Russie continuent d'y voir un moyen privilégié pour gérer un environnement stratégique "stable et prévisible". En revanche, il ne semble pas que (les négociations) puissent déboucher sur l'élimination des armes nucléaires, même si de nombreuses voix s'élèvent pour contester leur léicité et rêvent d'un monde dont elles seraient bannies. Dans l'immédiat, il s'agit de surmonter les obstacles qui empêchent l'entrée en vigueur du traité START II et de créer les conditions favorables à l'exécution des obligations souscrites, ce qui ne sera pas chose facile eu égard de la situation chaotique qui règne en Russie, au coût élevé de l'élimination des systèmes d'armes et aux risques de dissémination des matières fissiles extraits des munitions nucléaires (l'auteur écrit en 2000). Cette étape une fois franchie, il n'est pas exclu que l'on parvienne à stabiliser les rapports de dissuasion réciproque entre les deux protagonistes à des niveaux d'armement "raisonnables". Ce serait le triomphe de l'arms control tel que le concevaient les théoriciens américains des années 1960."

 

Désarmement, plus que maitrise des armements, de rares traités..

   D'une certaine manière, le premier véritable accord de désarmement nucléaire est le traité FNI signé en décembre 1987 prévoyant le retrait d'Europe des missiles nucléaires à moyenne portée, enjeu de la lutte bataille des "euromissiles". Il faut noter que ce seul véritable accord de désarmement est en partie le fruit d'une mobilisation antinucléaire militaire sans précédent en Europe et aux États-Unis comme d'ailleurs en URSS et dans les pays de l'Est.

 Il ne faut pas oublier non plus que le Traité de dénucléarisation de l'Antarctique de 1959, le traité de l'interdiction des explosions nucléaires dans l'espace, l'atmosphère de 1963, suivi du traité de 1967 sur l'utilisation pacifique de l'espace, incluant la Lune et les autres corps célestes, et le traité de non prolifération de 1968 font partie également de l'ensemble des accords, sans proprement entrer dans le champ de l'arms control, permis par l'environnement diplomatique de la matrise des armements nucléaires.

 

Jean KLEIN, Maitrise des armes stratégiques nucléaires, dans Dictionnaire de la stratégie, PUF, 2000. Thérèse DELPECH, La dissuasion nucléaire au XXi e siècle, Odile Jacob, 2013.

 

STRATEGUS

 

Relu le 12 octobre 2021

 

 

 

 

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