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7 juillet 2013 7 07 /07 /juillet /2013 08:12

      Sources d'énergie les plus utilisées dans le monde contemporain, les énergies fossiles constituent l'enjeu d'une grande partie des conflits armés.

La prépondérance récente  à l'échelle historique des énergies fossiles dans le fonctionnement de l'économie mondiale, produite en liaison avec la révolution industrielle, née en Grande Bretagne vers la fin du XVIIIe siècle, et étendue en Europe occidentale et aux États-Unis au cours de la première moitié du XIXe siècle avant de se généraliser dans la seconde moitié du XXe, ne doit pas masquer le fait qu'elle s'est effectuée et s'effectue encore avec de nombreux heurts. Il ne s'agit pas seulement de processus techniques complexes de détection, d'extraction, de transport et de distribution, mais aussi d'une lutte constante entre plusieurs forces économiques (qu'elle soient d'acteurs étatiques ou non) pour se les approprier, se les réserver, les monopoliser. Les énergies fossiles sont souvent au coeur de certains processus de colonisation et de décolonisation. Plusieurs guerres, aux buts souvent masqués, ont pour enjeu unique la course aux ressources fossiles.

 

Conflits et contraintes techniques

  Elles possèdent en effet plusieurs caractéristiques qui favorisent le mélange (complexe) de conflits et de contraintes techniques. Certains pourraient même envisager de concevoir les difficultés liées à l'utilisation de ces ressources fossiles comme un double combat entre l'humanité et la nature, et entre plusieurs parties de l'humanité. 

       - Charbon, pétrole et gaz naturel proviennent de processus complexes de transformation de différentes matières organiques qui se sont produits au cours de longues périodes géologiques. La vie reposant sur la chimie du carbone, toutes les sources d'énergie fossile renferment une proportion plus ou moins forte de cet élément. Lors de leur combustion, elles sont pas conséquent susceptibles de produire du gaz carbonique. Aucune importance n'a été pendant très longtemps attachée à ce phénomène, qui de nos jours, est devenu le principal inconvénient de ces sources d'énergie.

On croyait que le combat contre la nature se résumait à extraire cet élément du sous-sol, or ce combat se prolonge aujourd'hui avec un nouveau visage : les multiples pollutions causées, les changements climatiques provoqués, à cause d'une certaine ignorance (voulue ou non) du fonctionnement des écosystèmes naturels, menace la vie même sur terre, sous la forme que nous connaissons.

       - Les processus géologiques qui ont donné naissance à ces énergies ont permis la constitution de gisements qui sont des accumulations parfois très considérables. C'est ce qui a constitué le principal attrait de ces sources d'énergie. Elles offraient la possibilité d'accéder d'un seul coup à des quantités d'énergie sans commune mesure avec ce dont l'homme avait pu disposer auparavant. Pour une même source on rencontre des gisements ayant des réserves et des conditions d'extraction extrêmement différentes. Cela a beaucoup d'importance au moment de la mondialisation du marché des énergies. Leur prix sera celui nécessaire pour assurer la survie du gisement le plus coûteux à exploiter dont la production est quand même nécessaire pour répondre à la demande. Cela signifie que la rentabilité des gisements les plus faciles à exploiter est très élevée. L'exploitation des sources d'énergie fossile est susceptible d'engendrer des "rentes" très considérables pour certains territoires d'autant que l'existence de cartels publics ou privés, d'ententes regroupant la majorité des producteurs peut faire monter très fortement les cours de ces produits.

     - Ces gisements sont géographiquement inégalement répartis. La plus ou moins grande facilité de transport de ces énergies sur des distances parfois très importantes devient un des principaux élément de leur compétitivité.

      - Identifier un gisement, le mettre en exploitation et produire des quantités suffisantes pour avoir un impact sur le marché mondial est un processus nécessairement lent. Ce manque d'élasticité de l'offre vis-à-vis de la demande est classique dans le cas des matières premières minérales. Ce fait à lui seul contribue déjà à créer un contexte favorable à la volatilité des cours si ceux-ci sont fixés librement par un marché et non pas déterminé de manière autoritaire par un pouvoir politique ou un cartel d'entreprises.

     - Les effets de l'inégalité de la répartition géographiques des gisements sont accentués par le découpage du monde en territoires, les États, de taille extrêmement variées. La grande majorité d'entre eux est déficitaire ou excédentaire. L'équilibre entre les besoins et les ressources est une situation assez rare, mais là, l'écart important entre les deux fait des sources fossiles un enjeu de première grandeur pour les sociétés qu'ils abritent, que ce soient les sociétés qui vivent sur le sol de ces ressources, ou les sociétés qui en vivent tout en étant dépourvues de celles-ci. Comment gérer pour reprendre une approche libérale le manque ou la surabondance des sources d'énergie fossile? Des réponses très variées (et plus ou moins violemment imposées!) ont été apportées. Les États excédentaires, tirent parti de leur abondance énergétique pour essayer d'améliorer leur place sur l'échiquier international. Ceux qui sont déficitaires essaient de sécuriser leurs approvisionnements en exerçant un "ascendant" plus ou moins indirect sur leurs fournisseurs par le biais d'investissements, d'accords exclusifs de coopération, d'un contrôle direct de leurs ressources, d'accords de sécurité et de défense, de présences plus ou moins armées, d'une stratégie qui manie tour à tour la coopération et l'antagonisme des acteurs sur place... Tout cela revient à dire que les interactions entre l'inégalité de la répartition des gisements et de la fragmentation politique croissante du monde ont fait que les énergies fossiles sont devenues un facteur géopolitique de premier plan à travers lequel s'expriment les rapports de domination entre les différents pays. Plus la répartition géographique est inégale, plus la quantité de pays utilisateurs de cette source est importante et plus la probabilité de voir surgir des tensions géopolitiques est vive.

     - A l'intérieur même des États, les énergies fossiles sont génératrices de déséquilibre spatial car, sauf dans le cas de pays de très faible superficie, les gisements sont très inégalement répartis à travers leur territoire. Leur mise en valeur crée des foyers de fixation de population et d'infrastructures dont la durée de vie est conditionnée par celle du gisement. Elle peut certes durer assez longtemps, plusieurs générations comme dans le cas de bassins houillers mais à terme la question de leur reconversion finit toujours par se poser. Là encore ce sont les spécificités des territoires qui obligent les sociétés à faire face avec leurs caractéristiques propres à un problème inéluctable, une source d'énergie en chassant une autre, dans l'évolution du système économique. (Michel BATTIAU)

 

Le pétrole, devenue principale source d'énergie

      Le pétrole, rappelle, s'il est besoin de le rappeler, Jean-Pierre FAVENNEC est l'énergie de référence parce qu'il présente plusieurs caractéristiques essentielles :

- C'est une matière première stratégique, car "notre civilisation repose en grande partie sur le transports d'individus ou des marchandises. Or, les voitures automobiles fonctionnent essentiellement avec de l'essence ou du gazole, les camions avec du gazole, les avions avec du carboréacteur. D'autres carburants existent : le gaz, les carburants issus de la biomasse, voire l'hydrogène, mais aucun de ces produits n'est actuellement compétitif face aux produits pétroliers. Les produits pétroliers couvrent 97% des besoins de carburant (l'auteur écrit en 2009). le pétrole est donc indispensable dans le secteur du transport et sans lui aucune activité économique n'est possible.

Le pétrole sert aussi à faire la guerre. L'importance du pétrole est apparue avant et pendant la Première Guerre mondiale. (...) Si au début de (cette guerre) le cheval est encore la force de trait la plus importante, le rôle des tanks et véhicules automobiles va bientôt s'avérer prépondérant. Les avions de combat font même leur apparition dans les derniers mois du conflit."

- Le pétrole est liquide, "... cette caractéristique fait du pétrole une énergie facile à produire, facile à transporter, facile à utiliser. De plus, le pétrole est une énergie concentrée : le gaz est beaucoup plus coûteux à transporter et à distribuer, le charbon est un solide qui se prête plus difficilement aux manipulations. L'électricité est elle aussi une énergie coûteuse à produire et impossible à stocker (sous forme de courant alternatif, devons-nous préciser). Cette facilité de production fait du commerce du pétrole le commerce mondial le plus important en volume et en valeur. (...) Le marché du pétrole est mondial car le pétrole se transporte facilement d'un bout à l'autre de la planète."

- Le pétrole est la seule matière première dont le prix peut être très supérieur au coût de production. "Le pétrole ne coûte que quelques dollars à produire au Moyen-Orient et au maximum quelques dizaines de dollars dans les conditions les plus difficiles. Est-ce une conséquence de son caractère stratégique? L'effet d'une rareté réelle ou organisée? Toujours est-il que le prix du pétrole en ce début du XXIe siècle est en moyenne très supérieur à son coût d'extraction. On parle d'une économie de rendre : la rente est l'écart entre le prix (supposé refléter une juste valeur pour le consommateur) et le coût de production. (...)" Cette rente revient à l'État en Arabie Saoudite qui en rétrocède une partie à la compagnie nationale, la Saudi Aramco, qui dispose du monopole de l'exploitation des ressources en hydrocarbures du royaume, pour financer les opérations d'exploration, de production, de traitement. "Dans les pays où les sociétés internationales privées (IOC : Exxon, BP, Shell, Total, Chevron...) opèrent seules ou en association avec une société nationale (cas du Nigeria, de l'Angola, voire sur une échelle plus limitée du Venezuela ou de l'Iran), la rente est partagés entre l'&tat et la compagnie pétrolière. En principe lorsque le prix varie fortement, la part de la rente restant à la société pétrolière augmente plus modérément, la règle implicite étant la suivante : l'État est le propriétaire des gisements". A noter qu'il n'en a pas toujours été ainsi et que seul le mouvement de décolonisation a permis cette répartition.

 

Sécurité des approvisionnements, pierre angulaire stratégique

  Jean-Pierre FAVENNEC cite deux exemples sur ce rôle fondamental qui fait de la sécurité des approvisionnements et des politiques énergétiques, les pierres angulaires des politiques stratégiques et économiques.

- "Pendant la Seconde Guerre mondiale, la disponibilité de carburants, donc de pétrole brut, est au coeur des décisions stratégiques allemandes : après avoir pris le contrôle des gisements roumains, l'Allemagne nazie, en déclarant la guerre à l'Union Soviétique et en envahissant la Russie, cherche entre autres à mettre la main sur les gisements de pétrole de Bakou et de la Volga. Les troupes allemandes sont défaites à Stalingrad et échoueront à prendre le contrôle du pétrole russe. Un peu plus tard, Rommel se dirige vers le Moyen-Orient où les gisements géants viennent d'être découverts, mais les troupes britanniques et le manque de carburants l'empêchent de parvenir à ses fins. Les armées allemandes ont alors recours à des carburants obtenus par liquéfaction du charbon." On pourrait multiplier les exemples sur les front européens et asiatiques que l'on peut retrouve par exemple dans le livre de Antony BEEVOR, La Seconde Guerre Mondiale.

- "Dans les pays du tiers-monde une disponibilité insuffisante en produits pétrolier signifie des récoltes plus difficiles et surtout l'impossibilité de les transporter jusqu'à la ville et donc d'alimenter les populations urbaines. Dans les années 1970, l'augmentation du prix du pétrole a eu des conséquences particulièrement néfastes pour de nombreux pays africains : incapables de payer leur facture pétrolière, ils laissent sécher les récoltes sur place faute de moyens de transport pour les acheminer". 

   Pour assurer la sécurité d'approvisionnement, suite aux chocs pétroliers dans les années 1970 et 1980, les responsables économiques occidentaux misent surtout sur la recherche de l'efficacité énergétique (économies d'énergie, mise en place de technologies plus performantes...), comme l'Union Européenne en 2005, avec son Livre Vert sur l'efficacité énergétique. Ils comptent également sur la diversification des sources d'énergie, chaque pays utilisant dans des proportions différentes le pétrole, le gaz naturel, le charbon, le nucléaire et les énergies renouvelables, mais c'est surtout dans une politique de diversification géographique des sources d'approvisionnement que leurs efforts a jusque là porté, avant que la prise de conscience des dangers liés aux changements climatiques leur parvienne. 

   Pour le pétrole, l'acheminent de l'énergie se fait soit par transport maritime (pour sa grande majorité) soit par oléoducs (le cas du gaz naturel est différent). Dans les deux cas, la protection des circuits d'approvisionnement nécessite aux yeux des responsables politiques des mesures de protection, parfois militaires. Il s'agit de protéger des zones géographique charnières (détroits, canaux) à la fois d'entreprises politiques qui menaceraient la stabilité de ces zones comme d'ailleurs des zones d'extraction et des actes de piraterie, soit terrestres, soit maritimes.

Les États-Unis, seule actuelle super-puissance, assure la sécurisation des approvisionnements en hydrocarbure, à la fois pour eux-mêmes et (parfois) pour leurs alliés. Par des accords de défense, souvent bilatéraux, des bases américaines sont installées un peu partout dans le monde, et s'assurent la libre circulation (même parfois dans les zones territoriales des pays) de leur marine de guerre, présente sur tous les océans et mers du monde. Le dispositif proprement militaire est complété par des mesures "indirectes" (financement de marines d'alliés, surveillance des zones "déstabilisées" ou en voie de l'être).

  Il s'agit pour tous les pays consommateurs, non seulement d'assurer leur consommation courante, mais aussi de mettre en place des stocks de sécurité, pour des besoins civils ou militaires. 

 

Deux approches distinctes

   Jean-Pierre FAVENNEC met l'accent sur l'existence de deux approches distinctes du problème :

- Celle des États-Unis qui met l'accent sur l'offre et cherche à assurer la stabilité ds zones productrices, notamment dans la région du Moyen-Orient. L'objectif principal est de permettre un approvisionnement abondant du marché américain, les problématiques environnementales passant au second plan. Aujourd'hui, les États-Unis sont asses puissants pour se permettre de résister aux appels d'une communauté internationale globalement plus sensible aux problèmes de pollution. De plus, la recherche sur les sources d'énergie a toujours été, depuis leur fondation, un des grands soucis des entreprises pétrolières, et actuellement (mais les choses peuvent vite changer...), les percées technologique sur le gaz de schiste pourrait lui assurer une certaine indépendance dans l'approvisionnement, rendant moins "pesantes" "l'obligation" de sa présence au Moyen Orient, prélude sans doute à d'autres bouleversements géopolitiques...

- L'approche choisie par l'Union européenne procède de la logique inverse, à savoir une diminution de la demande d'énergie. Cette politique a l'avantage de présenter une certaine complémentarité avec les politiques mises en place pour apporter une réponse aux risques environnementaux. Cependant, il apparaît que l'Union européenne abandonne aux États-Unis le soin d'assurer la sécurité physique des approvisionnements. De plus entre les proclamations intergouvernementales ou les directives européennes de diminution de consommation d'énergie et les réalisations de cette politique, notamment dans une période où l'on mesure (trop sans doute) les financements correspondants, un délai assez long peut se produire...

 

Jean-Pierre FAVENNEC, Géopolitique de l'énergie, Besoins, ressources, échanges mondiaux, Editions Technip, 2009. Michel BATTIAU, L'énergie, Un enjeu pour les sociétés et les territoires, Ellipses, 2008.

 

STRATEGUS

 

Relu le 31 mai 2021

 

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