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30 septembre 2008 2 30 /09 /septembre /2008 14:38
     Comme l'écrit Hervé COUTEAU-BEGARIE, la fusion entre le théoricien et le praticien en matière de stratégie est rare. Thierry de MONTBRIAL en cite quelques-uns, caractérisés par des actions de premier plan et des écrits durables : Raimondo MONTECUCCIOLI (1609-1680), VAUBAN (1633-1707), Maurice de SAXE (1696-1750), FREDERIC II de Prusse (1712-1786), Charles de GAULLE (1890-1970), Mao ZEDONG (1893-1976)...
   
      Le stratège, depuis les Grecs Anciens, suivant son étymologie même, conduit ses troupes ; le stratégiste dresse des plans de guerre, analyse et synthétise des batailles passées afin d'en tirer des leçons pour des campagnes futures. Le stratégiste (celui qui pense) doit penser globalement alors que le stratège doit agir localement, avec son plan d'ensemble. Les bons stratèges sont rares dans l'histoire, mais comme l'histoire militaire est longue, il en existe bien plusieurs centaines. Les bons stratégistes sont rares aussi, mais comme ils n'ont pas besoin de faire leurs preuves, ils sont beaucoup plus nombreux. Ne les confondons pas toutefois avec des écrivains sur la stratégie militaire qui peuvent être très bons. Du temps de la guerre froide, d'importantes cohortes de stratégistes peuplaient des buildings entiers à Moscou et à Washington, surtout lorsqu'ils s'agissaient d'élaborer des jeux de guerre nucléaire...
  
      Jusqu'au milieu du XXème siècle, la plupart des stratégistes furent des militaires ou des diplomates. Aujourd'hui, les meilleurs stratèges en matière sociale ou économique sont ceux que l'on connaît le moins, car en matière financière par exemple, il vaut mieux ne pas être connu pour être efficace. Inversement, énormément de journalier se disent stratégistes, et même stratèges et il y a encore plus de journalistes pour les qualifier de cette manière. Aussi est-il difficile  de citer des noms sans succomber à une attaque stratégique foudroyante qualifiant de fayotage tout essai dans l'exercice... Plus sérieusement, le recours de plus en plus fréquent à des modèles de bataille (qu'elle soit militaire, politique, diplomatique ou économique) gérés sur ordinateur, font des stratégistes plutôt des équipes de personnes plus ou moins nombreuses peuplant les instituts et les think tank du monde entier que des individus pouvant éprouver dans le réel des talents de stratèges.
 
      Le stratège participe, seul ou avec d'autres, à l'élaboration ou à l'application de plans stratégiques et tactiques. Le terme est peu précis, aussi bien dans le langage courant que militaire. Néanmoins, écrivent Arnand BLIN et Gérard CHALIAND (Dictionnaire de stratégie, 2016), on peut faire la distinction entre le stratège-praticien et le stratège-théoricien (ou stratégiste, et nous le faisons systématiquement dans ce blog. Le stratège praticien participe à l'action collective de la guerre et prend des décisions, suivant les informations disponibles, information à la fois "vivantes", incomplètes ou surabondantes (souvent surabondantes, vu les efforts de désinformation des adversaires), dont les conséquences peuvent être importantes. Le stratégiste, n'étant pas acteur mais observateur, est dégagé de toutes responsabilités (autres qu'éditoriales...). Son but est la connaissance et non l'agir. Ses analyses sont faites a posteriori. Cependant, la distinction entre stratège et stratégiste n'est pas toujours aussi nette : les théories élaborées par le stratégiste peuvent influer sur des actions ultérieures du stratège.
    Dans le contexte de la stratégie nucléaire, la responsabilité du du stratégiste civil (ou militaire, d'ailleurs...), intervenant directement ou indirectement dans les choix stratégiques de son gouvernement, est grande, et ses activités professionnelles font de lui un acteur à part entière - et il le revendique souvent, seul ou en collaboration avec d'autres, dans des think tanks, qui influe sur les grandes décisions stratégiques et dont le rôle n'est plus seulement celui d'un observateur. Ainsi le stratégiste peut-il devenir stratège.
     Traditionnellement, c'est plutôt au stratégie-praticien de se transformer en théoricien, profitant, entre autres, de son expérience personnelle de la guerre pour formuler ou illustrer ses théories. Cependant, on remarque que les "grands capitaines" de l'Histoire ont rarement eu le désir ou le loisir de tirer des leçons théoriques de leurs exploits sur le terrain. Nos deux auteurs citent tout de même CÉSAR, MAURICE, MONTECUCCOLI, MAURICE DE SAXE, FRÉDÉRIC II, MAO ZEDONG, comme stratèges devenus théoriciens. Des stratèges-praticiens géniaux que furent ALEXANDRE, GUSTAVE-ADOLPHE et NAPOLÉON durent laisser à d'autres le soin de systématiser les principes qui guidaient leurs actions. Dans la plupart des cas, les grands théoriciens, comme LLOYD, CLAUSEWITZ ou JOMINI, ont participé activement à des campagnes militaires, mais sans jamais atteindre les plus hautes fonctions du commandement. D'autres, comme FOLARD, ARDANT DU PICQ ou LIDELL HART n'ont atteint qu'un rang modeste dans la hiérarchie militaire. Si l'expérience de la guerre est de manière générale nécessaire au théoricien qui tente de systématiser ses principes, il existe dans l'Histoire bien des personnages, parmi les stratégistes les plus influents, tels FLAVIUS VÉGÈCE et MACHIAVEL qui ne portèrent jamais l'uniforme. D'autres ne le firent qu'incidemment comme FRIEDRICH ENGELS.
         Depuis 1945, les stratèges-théoriciens sont issus tout autant des universités que des écoles de guerre. Bernard BRODIE, spécialiste américain de stratégie maritime, avant de devenir le premier théoricien de la stratégie atomique, ouvre la voie aux universitaires qui choisissent de s'orienter vers les études stratégiques. Ces nouveaux spécialiste proviennent généralement d'autres disciplines académiques : sciences politiques et économiques, science exactes. Ils sont fréquemment invités à participer aux décisions gouvernementales concernant les politiques de défense.


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Complété le 13 avril 2018
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