18 septembre 2008
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Définir différents types de stratégie aujourd'hui revient à englober pratiquement tous les domaines des relations sociales et même psychologiques, voire biologiques. Plusieurs auteurs (COUTEAU-BEGARIE, CHARNAY...) se plaignent d'une inflation galopante, d'une stagflation théorique, certains pour la dénigrer en parlant de confusion.
Partie d'un sens militaire, voire guerrier, la stratégie désigne maintenant toute une gamme d'actions ou de mises en oeuvre de moyens pour parvenir à des fins. On retiendra pour l'instant deux définitions, celle du général André BEAUFRE, "art de la dialectique de volontés employant la force pour régler leur conflit" et celle de Jean-Paul CHARNAY, pour qui "l'étude de la stratégie consiste en l'analyse d'objets sociaux relatifs à l'usage plus ou moins incandescent de la violence plus ou moins institutionnalisée, et à la compétition économique."
Ayant à l'esprit ces deux définitions, nous proposons un parcours de différents types de stratégie, à la fois historique et théorique, en va-et-vient de l'un à l'autre, couvrant l'ensemble des sciences sociales et politiques.
Les racines antiques (grecques) de la stratégie.
Les Stratèges (strategos) à Athènes (Vème siècle avant J-C) forment un collège de 6 qui ont vocation à conduire l'armée. Mais la chose militaire est plutôt désignée sous le vocable de Tactique (Taktikhâ). Ainsi faisait ENÉE LE TACTICIEN. Le mot strategema, lui, apparait (une seule fois chez XENOPHON) à la fin du IVème siècle avant J-C. Ainsi que strategika avec Demetrios de PHALERE qui en fait un traité.
Strategika et Stratagema ont la même racine mais leur sens divergent dans le temps. Et à partir du Premier siècle avant J-C., stratagema est lié à l'idée de ruse et de tromperie, tandis que strategika fait référence à la fonction du général. Strategeo, chez ONOSAUDER acquiert un sens plus précis : manoeuvrer. Il faut toujours avoir à l'esprit que la connaissance du sens de stratégie à ces époques restent liée à des textes peu nombreux et que c'est surtout au IIème siècle après J-C. grâce à des apologistes chrétiens comme Clément d'Alexandre que l'on peut approcher ces significations.
Quoi qu'il en soit, c'est dans cette divergence de sens de stratagema et de strategika, que les Romains des premier et deuxième siècles vont adopter ces termes. Toujours est-il que le mot Tactique a une écrasante préférence chez les Grecs et les Romains. La dernière compilation byzantine de textes militaires de Nicéphore OURANOS prend le titre de Tactique. Avec la fin de l'empire romain, si la science des stratagèmes persiste, le stratège et la stratégie disparaissent pratiquement des textes pour plusieurs siècles.
Il faut ajouter sans s'y appesantir pour l'instant que la poliorcétique, l'art des sièges des villes - des méthodes de campement au techniques du lancer des catapultes ou au fonctionnement d'autres machines de guerre occupe au fur et à mesure que l'on rentre dans la période des grands empires, prend une très grande partie des textes militaires.
Si en Occident domine le modèle de la bataille décisive, en Chine - où les catégories de pensée sont très différents - ce sont les méthodes militaires qui font l'objet de toute l'attention. "Les batailles ne représentent qu'un cinquième de l'importance de la guerre" (XU ZHEN ZHOU) et l'art du roi recouvre l'ensemble des techniques lui permettant de conserver le pouvoir et de gouverner le pays, y compris la guerre. L'ensemble des auteurs qui étudient la Chine antique considère que cette manière de penser se rapproche de l'orientation contemporaine des études de stratégies. Notamment sur la relation entre la guerre et la politique. "Le fait qu'un roi soit respecté, son territoire élargi et qu'il devienne par conséquent le gouverneur du monde, ou au contraire, qu'il soit méprisé, son territoire diminué, et qu'il perde son pouvoir, est décidé par la guerre. De l'antiquité à nos jours, il n'y a pas d'exemples que l'on puisse devenir gouverneur du monde sans avoir triomphé par la guerre ou que l'on perde le pouvoir sans avoir été battu." (GUANG ZI).
Tandis que dans le monde chinois, guerre et politique sont pensés conjointement, dans la littérature antique occidentale "le genre politique et le genre militaire appartiennent à deux cultures parallèles, le second obéissant à des lois indépendantes de développement." (Yvon GARLAN)
Hervé COUTEAU-BEGARIE, Traité de Stratégie, Economica, collection Bibliothèque stratégique, 2002. Jean-Paul CHARNAY, Critique de la stratégie, L'Herne, collection Classiques de la stratégie, 1990. Général André BEAUFRE, Introcution à la stratégie, Hachette littérature, collection Pluriel, 1998. Yvon GARLAN, La guerre dans l'Antiquité, Nathan université, 1999.
STRATEGUS
Partie d'un sens militaire, voire guerrier, la stratégie désigne maintenant toute une gamme d'actions ou de mises en oeuvre de moyens pour parvenir à des fins. On retiendra pour l'instant deux définitions, celle du général André BEAUFRE, "art de la dialectique de volontés employant la force pour régler leur conflit" et celle de Jean-Paul CHARNAY, pour qui "l'étude de la stratégie consiste en l'analyse d'objets sociaux relatifs à l'usage plus ou moins incandescent de la violence plus ou moins institutionnalisée, et à la compétition économique."
Ayant à l'esprit ces deux définitions, nous proposons un parcours de différents types de stratégie, à la fois historique et théorique, en va-et-vient de l'un à l'autre, couvrant l'ensemble des sciences sociales et politiques.
Les racines antiques (grecques) de la stratégie.
Les Stratèges (strategos) à Athènes (Vème siècle avant J-C) forment un collège de 6 qui ont vocation à conduire l'armée. Mais la chose militaire est plutôt désignée sous le vocable de Tactique (Taktikhâ). Ainsi faisait ENÉE LE TACTICIEN. Le mot strategema, lui, apparait (une seule fois chez XENOPHON) à la fin du IVème siècle avant J-C. Ainsi que strategika avec Demetrios de PHALERE qui en fait un traité.
Strategika et Stratagema ont la même racine mais leur sens divergent dans le temps. Et à partir du Premier siècle avant J-C., stratagema est lié à l'idée de ruse et de tromperie, tandis que strategika fait référence à la fonction du général. Strategeo, chez ONOSAUDER acquiert un sens plus précis : manoeuvrer. Il faut toujours avoir à l'esprit que la connaissance du sens de stratégie à ces époques restent liée à des textes peu nombreux et que c'est surtout au IIème siècle après J-C. grâce à des apologistes chrétiens comme Clément d'Alexandre que l'on peut approcher ces significations.
Quoi qu'il en soit, c'est dans cette divergence de sens de stratagema et de strategika, que les Romains des premier et deuxième siècles vont adopter ces termes. Toujours est-il que le mot Tactique a une écrasante préférence chez les Grecs et les Romains. La dernière compilation byzantine de textes militaires de Nicéphore OURANOS prend le titre de Tactique. Avec la fin de l'empire romain, si la science des stratagèmes persiste, le stratège et la stratégie disparaissent pratiquement des textes pour plusieurs siècles.
Il faut ajouter sans s'y appesantir pour l'instant que la poliorcétique, l'art des sièges des villes - des méthodes de campement au techniques du lancer des catapultes ou au fonctionnement d'autres machines de guerre occupe au fur et à mesure que l'on rentre dans la période des grands empires, prend une très grande partie des textes militaires.
Si en Occident domine le modèle de la bataille décisive, en Chine - où les catégories de pensée sont très différents - ce sont les méthodes militaires qui font l'objet de toute l'attention. "Les batailles ne représentent qu'un cinquième de l'importance de la guerre" (XU ZHEN ZHOU) et l'art du roi recouvre l'ensemble des techniques lui permettant de conserver le pouvoir et de gouverner le pays, y compris la guerre. L'ensemble des auteurs qui étudient la Chine antique considère que cette manière de penser se rapproche de l'orientation contemporaine des études de stratégies. Notamment sur la relation entre la guerre et la politique. "Le fait qu'un roi soit respecté, son territoire élargi et qu'il devienne par conséquent le gouverneur du monde, ou au contraire, qu'il soit méprisé, son territoire diminué, et qu'il perde son pouvoir, est décidé par la guerre. De l'antiquité à nos jours, il n'y a pas d'exemples que l'on puisse devenir gouverneur du monde sans avoir triomphé par la guerre ou que l'on perde le pouvoir sans avoir été battu." (GUANG ZI).
Tandis que dans le monde chinois, guerre et politique sont pensés conjointement, dans la littérature antique occidentale "le genre politique et le genre militaire appartiennent à deux cultures parallèles, le second obéissant à des lois indépendantes de développement." (Yvon GARLAN)
Hervé COUTEAU-BEGARIE, Traité de Stratégie, Economica, collection Bibliothèque stratégique, 2002. Jean-Paul CHARNAY, Critique de la stratégie, L'Herne, collection Classiques de la stratégie, 1990. Général André BEAUFRE, Introcution à la stratégie, Hachette littérature, collection Pluriel, 1998. Yvon GARLAN, La guerre dans l'Antiquité, Nathan université, 1999.
STRATEGUS