29 avril 2008
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Dans ce manifeste de 1976 pour une autre géographie qui annonce la revue HERODOTE, Yves LACOSTE s'élève contre la géographie vidalienne, pour proposer une autre manière de faire de la géographie.
Pas cette géographie élaborée par Vidal DE LA BLACHE (1845-1918), ânonnée par tant de professeurs, jusqu'à en faire une matière honnie des élèves et des étudiants, pas cette géographie qui donne le primat sur des "régions naturelles", mais une géographie qui, replacée dans sa vraie destination, démystifiée, soit au service des citoyens et des classes dominés.
Yves LACOSTE commence par démystifier cette géographie officielle dont l'enseignement camoufle les véritables rôles.
Rôle idéologique, en faisant croire à des pays aux frontières naturelles. Rôle idéologique encore par les médias qui esthétisent à fond le paysage pour en faire oublier l'idée "que certains peuvent analyser l'espace selon certaines méthodes afin d'être en mesure d'y déployer des stratégies nouvelles pour tromper l'adversaire" (de nationalité ou de classe) "et le vaincre"? Que ce soit au VietNam où la connaissance de la géographie permit la destruction des digues pour anéantir les ressources alimentaires de ce pays, que ce soit dans chaque pays industrialisé où le savoir sur les vallées et les montagnes permettent de tracer routes et chemins de fer pour l'exploiter, que ce soit dans chaque ville, où la connaissance du tissu urbain permet les déplacements des "forces de l'ordre", que ce soit encore dans les quartiers où se préparent les opérations immobilières juteuses au détriment des habitants, la géographie, la science des cartes à grande et à petites échelles, la faculté de s'orienter dans l'espace, sert d'abord à faire la guerre, qu'elle soit nationale ou sociale.
Ce que Yves LACOSTE propose alors, c'est, à l'image de ce qui s'est passé dans les sciences sociales - notamment par l'apport du marxisme - c'est d'opérer une fondation épistémologique d'une discipline qui en manque cruellement, pour donner place à la réflexion sur les espaces différenciés qui se chevauchent dans la réalité. Il met en garde contre une tendance de la "géographie appliquée" ou New Geography de mettre les géographes au service de technocraties qui mettent à l'oeuvre la synthèse et l'exploitation de savoirs parcellisés qu'ils auront établis.
Ce que Yves LACOSTE propose alors, c'est, à l'image de ce qui s'est passé dans les sciences sociales - notamment par l'apport du marxisme - c'est d'opérer une fondation épistémologique d'une discipline qui en manque cruellement, pour donner place à la réflexion sur les espaces différenciés qui se chevauchent dans la réalité. Il met en garde contre une tendance de la "géographie appliquée" ou New Geography de mettre les géographes au service de technocraties qui mettent à l'oeuvre la synthèse et l'exploitation de savoirs parcellisés qu'ils auront établis.
Il plaide pour "une géographie de la crise", dans une perspective globale de développement, dans "une recherche scientifique militante", d'associer les objets d'études, hommes et femmes et leurs lieux de vie - à l'élaboration des projets d'urbanisme, de faire se réapproprier par les acteurs de gauche le savoir de l'espace, pour un niveau tactique (dans les batailles de rue) ou pour un niveau stratégique (dans le développement Nord-Sud mais aussi à l'intérieur des vieux pays industrialisés entre régions pauvres et régions riches).
Témoin d'une époque, ce livre se termine par l'évocation de Che GUEVARRA, qui a confondu les montagnes boisées d'Amérique Latine avec "l'équivalent stratégique de la Sierra Maestra". Néanmoins, il serait utile de mesurer aujourd'hui l'impact de cette résolution à changer la donne, de mesurer si les acteurs du changement social maitrisent le savoir géographique.
On trouve en quelque sorte une raffraichissement de thèses proposées dans ce livre dans le numéro de la revue HERODOTE du 3ème trimestre 2008.
Témoin d'une époque, ce livre se termine par l'évocation de Che GUEVARRA, qui a confondu les montagnes boisées d'Amérique Latine avec "l'équivalent stratégique de la Sierra Maestra". Néanmoins, il serait utile de mesurer aujourd'hui l'impact de cette résolution à changer la donne, de mesurer si les acteurs du changement social maitrisent le savoir géographique.
On trouve en quelque sorte une raffraichissement de thèses proposées dans ce livre dans le numéro de la revue HERODOTE du 3ème trimestre 2008.
Longtemps difficile à trouver, ce petit livre bénéficie d'une réédition en 2012 chez l'éditeur héritier des Editions Maspéro, La Découverte, dans la collection "Cahiers libres". Sans refondre le texte, il s'agit d'une réactualisation, l'auteur proposant en tête de chapitre ses commentaires contemporains.
André LOEZ (Le Monde du vendredi 9 novembre 2012) rappelle le choc lors de sa publication en 1976 dans le petit monde des géographes, habitués depuis des décennies à penser leur discipline plus ou moins dans la foulée des travaux de Paul Vidal de LA BLACHE (1845-1918). Au milieu des années 1970, la discipline géographique repose encore en grande partie sur eux (Tableau de la géographie de la France), "gloire scolaire de la IIIe République et initiateurs d'innombrables thèses de géographie régionale". C'est pour l'ensemble de la profession une voie de bifurcation qui mène entre autres certains d'entre eux à la géopolitque, longtemps bannie en raison de son usage par le IIIe Reich.

Yves LACOSTE, La géographie, ça sert d'abord à faire la guerre, François Maspéro/petite collection maspero, 1976, 190 pages.
Notez que les Editions La Découverte ont repris, depuis un bon moment, le fonds des Editions Maspéro.
Complété le 11 novembre 2012