Tout d'abord une petite note : il est irritant de voir s'intituler nombre de commentaires sur l'opération Babarossa, nom allemand de cette ruée vers l'Est, invasion de la Russie, alors que ni les frontières ni les conditions d'existence de ce territoire ne correspondent à l'URSS de ce moment-là, de juin 1941 à décembre 1941.
L'invasion de l'Union Soviétique, est surtout évoquée dans des documentaires et fait l'objet de peu de métrages de fiction.
- Dans la série française Les grandes batailles, dans la partie La bataille de Moscou,


- comme dans 39-48, Le monde en guerre; Volume 1, Barbarossa

sont bien expliquées la préparation, les circonstances et le déroulement de toute succession de batailles qui mènent aux portes de Léningrad, de Moscou et de Stalingrad, sans oublier le déploiement en trois grandes branches des corps d'armée ni l'occupation sanglante des territoires. Les exactions des armées allemandes sont bien évoquées comme les résistances fortes, une fois la surprise passé (les approvisionnements en nourriture et en carburants venant de l'Union Soviétique, de par le traité germano-soviétique, se dérouleront jusqu'au dernier jour!), de troupes soviétiques, même si pour l'essentiel ces dernières se sont trouvées dans un état d'impréparation stratégique et militaire rarement atteint dans l'Histoire, résultat direct des purges staliniennes.
- Dans Pourquoi nous combattons sont autant rendues les conditions de la résistance russe en 1943 que l'invasion russe elle-même. Ce n'est que par un certain effort des autorités militaires de surmonter l'anti-soviétisme de l'ensemble de l'administration fédérale américaine, que Frank CAPRA (sympathisant des idées socialistes) pu montrer pourquoi les soldats américains devaient défendre la Russie.
Là encore, on remarquera l'explication didactique de La bataille de Moscou, d'1 heure 29 minutes, succession de documents et d'interview, succession même qui peut briser, même si certains peuvent trouver cela ennuyeux, qui brise un aspect dramaturgique, par contre recherché dans Apocalypse, qui pourrait faire oublier les logiques des opérations et faire mémoriser le pathos. Le documentaire britannique de Peter Batty recherche lui aussi le même angle didactique, composé de nombreuses interview comme le documentaire français.
Côté série, on note la partie 7, de Le souffle de la guerre, où les pérégrinations de l'attaché naval l'amène à constater à la fois l'intention nazie et l'impréparation soviétique. Le climat des relations entre les USA et l'URSS est très bien rendu à cette occasion. Son montrés également des éléments qui montrent que l'état-major allemand croyait en une victoire rapide : vêtements d'été pour les soldats, absence de disposition pour rouler sur des terrains inondés des matériels blindés... Déjà, la haute administration américaine est traversée par un débat sur la nécessité de défendre l'URSS des visées allemandes, pour des raisons multiples, notamment stratégiques (ressources pétrolières et intention de faire la jonction avec le front en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, avec l'assistance de la Turquie) et économiques (concurrence des entreprises allemandes contre les entreprises américaines pour le marché du pétrole...).
Côté films, très peu tournent autour de l'invasion de la Russie et
- La bataille de Brest-Litvosk, du réalisateur russe Alexandre KOTT, de 2010 est une très notable exception. Le métrage russe et béliorusse de 138 minutes, sorti simultanément à Brest, et à Moscou au Festival international du film de Moscou, évoque la bataille de cette forteresse de Brest-Litovk en 1941 entre les troupes soviétiques et allemandes. Les aspects relationnels, affectifs, familiaux, militaires sont bien rendus dans cette résistance - imprévue - de la garnison, qui ne laisse que quelques survivants, au bout de laquelle les Allemands décident d'en finir en larguant une bombe de deux tonnes. Située à un endroit stratégique, la garnison, qui sert aussi d'école militaire, devait être franchie pour que les troupes aient accès - en reprenant le site cédé en 1939 (lors de l'invasion de la Pologne) selon le pacte germano-soviétique) - à la rivière Bug ainsi qu'au chemin de fer Varsovie-Moscou et à l'autoroute. Bien entendu, n'est pas absente une certaine volonté d'héroïser ces vaillants combattants soviétiques (d'ailleurs, il faudrait écrire sur le regain du nationalisme russe, supporté par tout un pan de l'industrie cinématographique...), mais il est relativement rare de voir raconter cette partie de l'histoire de la seconde guerre mondiale. A voir donc, avec les documentaires, pour comprendre cette invasion... Pour le DVD, il est nécessaire d'outrepasser la présentation non explicite et publicitaire;.. Comme souvent, il y a peu de rapport entre la jaquette DVD et le film pour les films peu connus...

Bien entendu, il est toujours indispensable d'avoir en tête les écrits qui permettent de fixer les idées à la fois sur les motivations des adversaires (c'est central dans l'esprit des dirigeants nazis - même si l'ensemble des militaires de haut rang considère dès le début qu'il s'agit d'une erreur stratégique)) et les enjeux de cette succession de batailles qui aboutit aux portes des capitales symboliques et politique de l'URSS. On ne saurait trop conseiller, à cet égard, la lecture de l'ouvrage de Hans SEIDLER, Opération Barbarossa : Hitler envahit l'URSS, Pierre de Taillac, 2011 ou encore de Jean LOPEZ et Lasha OTKHMEZURI (un pavé de 956 pages), Barbarossa, 1941 : la guerre absolue, Passés composés, 2019.
Parmi les mythes qui circulent sur la seconde guerre mondiale, l'un d'eux se distingue par sa radicalité : en déclenchant l'opération Barbarossa EN JUIN 1941, Hitler n'aurait fait que devancer de quelques jours une offensive soviétique. Cette thèse de révisionniste veut renverser le jugement commun, celui par exemple émit par le tribunal de Nuremberg. Répandue par les services de propagande du Reich (pour convaincre une opinion publique pas si demandeuse d'opérations militaires, malgré l'absence - pour cause d'assassinats et de déportations - de toute opposition), resurgie dans les années 1980 sous la plume de Viktor SOUVOROV (Le Brise-glace, 1988), ancien officier du renseignement soviétique passé à l'Ouest, cette thèse ne tient pas la route, les historiens n'ayant aucune peine à démontrer son invraisemblance. Si elle est mentionnée ici, c'est parce qu'elle s'est répandue notamment en Allemagne et en Autriche, les groupes d'extrême droite ayant tôt fait de la répandre, à la suite de son succès éditorial dans ces pays. Alors que dès Mein Kampf, le projet hitlérien d'envahir l'Est est bien exposé, alors que le Kremlin de STALINE vient de décapiter tout le haut commandement militaire soviétique dans le cadre des luttes idéologique internes du PCUS, alors que même STALINE est convaincu de l'idiotie utile du Reich dans le monde capitaliste et de l'impossibilité pour ce dernier de combattre à la fois sur deux fronts (ce qui est tout-à fait vrai, du reste!).... L'impréparation stratégique, logistique et psychologique de l'Union Soviétique, et de plus l'aide économique au Reich (pétrole, nourriture et produits stratégiques...) dans le cadre du Pacte germano-soviétique de 1939 rendent nulle cette thèse. (Les mythes de la seconde guerre mondiale, Jean LOPEZ et Lasha OTKHMEZURI)
L'historiographie s'intéresse récemment plus au Pacte germano-soviétique et à ses conséquences sur la guerre, avec par exemple le livre de Roger MOORHOUSE, Le Pacte des diables, de 2014. L'historien britannique, spécialiste de l'histoire récente de l'Allemagne et de l'Europe de l'Est, décrit l'histoire de cette entente, scandée par le Pacte de 1939, mais s'inscrivant dans une relation économique antérieure compliquée, avec ses dispositions prometteuses pour les deux parties, avec ses difficultés très importantes d'application, et également avec ses répercussions diplomatiques, politiques et pas seulement sur la marche de la guerre.
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Un des mythes les plus persistants de la seconde guerre mondiale est que l'économie soviétique ne pouvait rivaliser avec le potentiel industriel du Reich. Émis dans la foulée des justifications de la défaite soviétique en 1941, pour en quelque sorte camoufler la responsabilité de l'élite politique stalinienne dans la quasi auto-destruction de l'armée rouge, il est contredit par les récentes recherches sur les deux systèmes productifs. En fait, l'effort de réarmement de l'Allemagne depuis 1933 cache des faiblesses structurelles importantes, induites par de problématiques fournitures de matières premières et d'énergie. Les apports en matériels à l'armée allemande à l'assaut des territoires à l'Est s'avérèrent insuffisants par rapport aux besoins, mal évalués et surtout incapables de pallier à une certaine myopie stratégique hitlérienne (lignes de communications, intendances, effets de l'hiver). De son côté, la planification soviétique orientée également vers le réarmement dans les années 1930 est obérée d'une productivité faible, de gaspillages et... de faux rapports de production. On en arrive d'ailleurs d'un côté comme de l'autre à des divisions d'armée, impressionnantes sur les cartes d'état-major, non complétement pourvues en hommes et en matériels (et parfois de très loin!)... De part et d'autre, les effets de la propagande masquent les réalités matérielles... (Olivier WIEVIORKA, Les mythes de la seconde guerre mondiale)
FILMUS
Complété le 13 novembre 2020. Complété le 3 décembre 2020. Complété le 27 décembre 2020.