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27 novembre 2019 3 27 /11 /novembre /2019 15:52

   Très tardivement, des tribus zouloues et d'autres ethnies d'Afrique Australe se sont péniblement fédérées pour établir sur un vaste territoire ce qui ressemble à un Empire. En l'absence d'écrits de stratèges ou de rois de cette ethnie qui permettraient de retracer l'intention et de début de formation d'un tel empire, il s'agit ici d'hypothèses. De toute manière, la manière de régler les conflits internes bien plus que de se battre sur le champ de bataille ne permet pas, au bout du compte la réaliser d'un tel projet.

 

L'entreprise de SHAKA

  SHAKA KASENZANGAKHONA, appelé SHAKA ZOULOU ou SHAKA ZULU (1787-1828), le grand dirigeant zoulou, est un innovateur (trop) exceptionnel, à la fois sur le plan militaire et politique, et un organisateur de génie. Il opère le passage de la guerre traditionnelle, en grande partie rituelle, à la guerre destinée à la conquête par une réforme radicale. Celle-ci est d'abord fondée sur la recherche du combat frontal, mené par des troupes durement entrainées et disciplinées.

Rapidement, SHAKA parvient à s'imposer (1816) parmi les Zoulous. Il étend ses conquêtes à une partie de l'Afrique australe, en supprimant sans piété toute résistance. Il fait notamment exterminer tous ceux qui, parmi le clan de sa mère, les Langani, l'ont jadis méprisé (sa mère a été violée par un chef zoulou, ce qui fait d'abord rejeter SHAKA par les deux bords).

En 1817, SHAKA remporte contre une force très supérieure, celle des Ndwandwee, la victoire de Gqokli Hill, utilisant à cet effet un mouvement d'enveloppement des ailes tandis que le choc est porté au centre. En l'espace d'une demi-douzaine d'années, SHAKA écrase tous ses adversaires avec une impitoyable rigueur. Son pouvoir absolu se mue bientôt en tyrannie lorsque après la mort de sa mère, il décrète que rien ne sera planté cette année-là, que toute femme enceinte devra être tuée, et qu'il fait exécuter des milliers de personnes pour n'avoir pas manifesté assez de douleur lors des obsèques (1827).

C'est au moment où il se prépare à marcher sur les colons du Cap qu'il est assassiné par un groupe d'affidés dirigés par son propre frère. SHAKA apparaît comme le dirigeant militaire le plus remarquable d'Afrique noire, et il crée une machine militaire qui sait par la suite prouver qu'elle peut affronter une troupe européenne même supérieurement armée. (BLIN et CHALIAND).

      Issu d'une union illégitime entre NANDI, princesse Lanugeni, et Senza NGAKONA, chef du clan des Zoulous (fraction du peuple Nguni, issus des Bantus qui peuplent l'Afrique du Sud du XIIIe au XVIIIe siècle), SHAKA est connu surtout à partir de récits de poèmes, d'épopées et de pièces de théâtre et d'articles de journaux. L'un des premiers à avoir écrit sur lui, façonnant en partie le mythe, est Thomas MOFOLO en 1925. Les sources de l'histoire de SHAKA sont anglaises et africaines (Mazisi KUNENE qui s'est inspiré des traditions zouloues).

C'est à la suite de querelles familiales que la guerre entre Langeni et Zoulou s'est déclarée et SHAKA, qui a dû fuir chez les Qwabe, se distingue rapidement comme le guerrier le plus remarquable de l'armée de DINGISWAYO, souverain des Bathwetwa. Doué d'une force physique et d'une endurance prodigieuses, il excelle au combat. Charismatique, il se révèle fin stratège et sa réputation se répand, devenu le porte-parole et le bras droit de DINGISWAYO. Ce dernier l'appuie pour, à la mort de son père, et alors qu'un des demi-frères de SHAKA prend le pouvoir, le remplacer et prendre la tête des zoulous.

 

La mise sur pied d'une militarisation de la société et d'un outil militaire de conquête

SHAKA règne alors sur son peuple et commence à lui appliquer ses idées révolutionnaires pour créer une puissante armée. A la suite de la défaite des Bathwetwa par son puissant voisin, les Ngwane, les régiments bathwetwas élisent SHAKA au titre de chef souverain. Lequel les défait lors de deux batailles difficiles, dont celle déjà évoquée (Gqokli Hill et la rivière Mhlatuze en 1819) où il utilise sa stratégie.

S'ouvre alors un temps de conquête. SHAKA devient le chef d'une grande partie des tribus nguni du Natal. Il les assimile à sa tribu, et leur fait parter son nom, celui de Zoulou. Pour le faire, il modèle son peuple à l'aide d'un système d'armée de conscription (pour les hommes de 16 à 60 ans, mais avec des conditions variables (suivant les tribus) de retours fréquents à la vie civile pour les travaux agricoles...) constituant le pivot de la société, et bouleverse ainsi les structures traditionnelles. Il supprime l'initiation des jeunes hommes mais conserve la division en classe d'âges pour former des régiments. Il instaure également un système de formation militaire. Il dote les guerriers d'arme de sagaies et de boucliers, leur apprend l'attaque en rangs serrés et les manoeuvres de surprise, les nourrit de viande, et fait du mariage la récompense des services de guerre...

Il opte sur le champ de bataille pour une stratégie d'attaque "en tête de buffe" : les troupes sont divisées en quatre corps, deux ailes forment les cornes de buffe et deux corps centraux placés l'un derrière l'autre forment le "crâne". Opérant en mouvement tournant, l'une des ailes attaque, tandis que l'autre se cache et n'intervient que lorsque le combat est engagé. Il mène une guerre totale et utilise la tactique de la terre brûlées à l'aide de régiments spéciaux, les impi ebumbu (régiments rouges).

L'armée de SHAKA à son apogée compte plus de 100 000 hommes, auxquels il faut ajouter environ 500 000 hommes des tribus voisines. Il oriente l'expansion des Zoulous dans deux grandes directions : vers l'ouest et vers le sud contre les Tembou, Pondo et Xhosa. Ils sèment la terreur chez les Nguni, les Swazi, les Sothos et les Xhosa. En dix ans, SHAKA se taille un empire dans le Natail. Un Empire sanglant dans la mesure où les vieillards vancus sont supprimés, les femmes et les jeunes incorporés. Les jeunes ont la vie sauve à condition de s'enrôler dans les impi, d'abandonner leur nom et leur langue, et de devenir de véritables Zoulous.

En 1820, quatre ans après le débit de sa première campagne, SHAKA et son armée avaient conquis un territoire plus caste que la France. A partir de 1822, SHAKA déploie ses armées à l'est du Drakenskerg. face à lui, de nombreuses collectivités choisissent de fuir, attaquant au passage leurs voisins, ce qui ajoute à la confusion. La carte ethnique de la région est bouleversée dans un mouvement tumultueux de populations, mais celui-ci commence bien avant la prise de pouvoir de SHAKA, avec, entre autres, les combats entre Zwide et Matiwane.

L'un des généraux de SHAKA le quitte pour conquérir l'Afrique australe en appliquant ses méthodes brutales : MOSELEKATSE (ou MZILIKAZI), après sa rupture avec SHAKA en 1821, se dirige vers le sud-ouest avec les Ndébélés, disperse les Sothos sur les bords du Vaal et s'installe entre le Vaal et l'Orange jusqu'en 1836. De leur côté, parmi les vaincus de Zwide, MANOUKOSI (ou SOSHANGANE) soumet les Tonga au Mozambique actuel (1830) et ZWAGENDABA migre trois mille kilomètres vers le nord.

La tyrannie exercée par SHAKA suscite de nombreux rivaux et lui vaut même l'opposition de son propre peuple. Opposition renforcée au fur et à mesure de la multiplication de mesures de deuil - dans la pure tradition zouloue toutefois - à la suite de la mort de sa mère en 1827. Après sa mort, les zoulous continue de s'organiser en un système monarchique, s'appuyant toujours sur la tribu majeure du groupe Nguni, fondé vers 1709 par ZULU kaNtombhela. Mais déjà cet Empire a connu son apogée décline progressivement.

 

Un déclin faute d'une politique de pacification avec de puissants voisins, notamment européens

DINGANE, un de ses deux demi-frères survivants, les deux qui organisèrent son assassinat, fait exécuter toute la famille royale et condamne à mort la plupart des anciens partisans de SHAKA dans le but d'exercer seul le pouvoir. Il est à son tour assassiné en 1840 par d'autres chefs de guerre. C'est l'époque d'une confrontation avec les boers, notamment avec les Voorterkkers mené par Piet RETIEF. Après une tentative de conciliation et la négociation d'un traité de coexistence pacifique, les Voortrekkers sont assassinés au milieu d'un banquet, avec RETIEF. L'armée de DINGANE attaque et massacre ensuite plusieurs groupes de Boers, lesquels finissent par se rassembler autour d'Andries PRETORIUS, un riche fermier venant de Graaf-Reinet et de Sarel CILLIERS. Mi-décembre 1838, après une grande confrontation entre 15 000 Zoulous et 470 boers (accompagnés de leurs 340 métis) repliés derrière leurs chariots rangés en cercle, rappelant de manière saisissante maints combats de colons blancs contre les amérindiens, DINGANE est contraint de s'enfuit au nord. Après la campagne contre DINGANE, les Voortrekkers forment la république boer de la Natalia, au sud de Thukela et à l'ouest de la colonie britannique de port Natal (aujourd'hui Durban). MPANDE, qui a pris le pouvoir zulu et PRETORIUS maintiennent des relations amicales.

Mais en 1842, la guerre éclate entre les Britanniques et les Boers, ce qui se solde par l'annexion de Natalia par les Britanniques. MPANDA fait allégeance avec les Anglais et garde par la suite de bonnes relations avec eux. S'installe ensuite en terre zouloue une guerre de succession entre les deux fils de MPANDA, qui se termine en 1856. La fin du royaume zouloue est alors progressive, faute de ciment intérieur à l'Empire, sans cesses traversé par des luttes de pouvoir. Une guerre anglo-zouloue en 1878-1879, la réduction de cet ancien royaume en État-tampon entre Anglais et Boers, un renversement d'alliance contre les Anglais, puis une révolte puis un exil au début du XXe siècle, achèvent la fin de cet Empire zoulou. Empire qui, en fin de compte sans cesse menacé par des luttes fratricides et reposant sur une "tradition" d'élimination-assimilation des tribus vaincues, est bien dépourvu de tissu administratif - autre que celle qui sert à l'armée, si on peut appeler cela de l'administration... - et finalement de réelle volonté d'établir une permanence du pouvoir, fondé sur une fiscalité et une fidélisation - notamment religieuse (le ritualisme même a été abandonné...) pour pouvoir perdurer. Face aux colonisateurs européens - hollandais et anglais - il n'a pas fait le poids (surtout sur le plan de l'armement et de la disponibilité des guerriers.... ).

   De plus, la manière de se battre des zoulous est reprises très vite par les tribus, qu'elles soient alliées ou, ce qui est plus gênant, rivales. Le sort final de toutes ces tribus, y compris les zoulous, est toujours le passage sous protectorat britannique, dans la deuxième moitié du siècle, pour échapper à la pression des boers installés en position centrale au milieu de Noirs repoussés vers la montagne ou vers le désert. Seuls pourtant, les zoulous devaient, sous leur chef CETTIWAYO, poursuivre jusqu'en 1884 une destinée guerrière. Aucune de ces confédérations guerrières, qui se formèrent également au Soudan par exemple, ne dépasse le stade de l'organisation rudimentaire, ni ne servit de support à des civilisations originales. Aucun de ces États militaires ne put s'enorgueillir de chef-d'oeuvre analogues aux colossales murailles de Zimbabwe, ou aux merveilleuses figures de bronze et d'ivoire du Bénin, étant trop exclusivement... militaires. (Louis BERGERON)

E.A. RITTER, Shaka Zulu : The Rise of the Zulu Empire, Londres, 1978. Tidiane N'DIAYE, l'Empire de Chaka Zoulou, L'Harmattan, 2002.

Arnaud BLIN et Gérard CHALIAND, tempus, 2016. Louis BERGERON, Le monde non européen au XIXe siècle, dans Le monde et son histoire, Robert Laffont, Bouquins, 1972.

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