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9 février 2018 5 09 /02 /février /2018 12:23

    Durant la longue période en France, qui va de la fin des guerres de religion à la fronde pendant la minorité du roi Louis XIV, mature le modèle français, celui d'un Empire, dans le sens que le Roi est maître dans son royaume, c'est-à-dire d'un ensemble cohérent d'institutions, de fiscalités, de mentalités... S'il existe une stratégie d'Empire, c'est plus par les buts d'une monarchie que par ses actions. En effet, l'activité des ministres du Roi ou/et du Roi relève plus du combat au jour le jour, pour faire face aux ennemis de la Monarchie. Le fait est que, même si le résultat à long terme dénote bien une certaine constance stratégique, les préoccupations sont parfois inversées : ainsi la stratégie interne d'Empire est souvent au service des guerres extérieures, et le poids des impôts, leur impopularité et leur impact négatif sur l'activité économique peuvent avoir l'effet inverse que celui désiré. Les frondes, puis la Révolution sont aussi le produit de ces guerres incessantes au XVIIe siècle. On voit à chaque fois la noblesse tenter de profiter des révoltes parlementaires et/ou populaires pour contrer la Monarchie, de manière très maladroite (et brouillonne, de par ses rivalités internes réciproques) d'ailleurs... 

    Avant cette période, ce qu'on appelle la France n'est pas réellement le pays qu'elle va devenir, malgré toutes les reconstitutions téléologiques (dont Jeanne d'Arc constitue une figure emblématique) ultérieures. Les peuples ne se disent pas encore Français, à part sans doute une partie de ceux d'Ile de France : Bretons, Normands, Aquitains, Occitans par exemple, ne se pensent pas encore comme faisant partie d'un même ensemble et ne le sont pas effectivement. Après cette période, on rentre dans un renforcement continu de l'empire-emprise de la monarchie capétienne sur un ensemble de plus en plus vaste, quitte à être obligée souvent de reculer, sur des sujets de plus en plus nombreux et de plus en plus assujettis physiquement, mentalement et moralement, établissant une homogénéité catholique officielle (même si elle peut être largement fictive dans certaines régions). Administrativement, économiquement, politiquement, culturellement, avec notamment le renforcement des appareils religieux, judiciaires, policiers et militaires, la France devient et ses habitants se conçoivent de plus en plus fidèles à une monarchie pourtant parfois comme venant de l'étranger. Tout ceci au détriment des divers centres de pouvoir pré-existants et encore puissants avant la fronde : Parlements, Villes, Comtés... Bien entendu, toute chronologie de la naissance d'un pays peut-être vue de bien de diverses façons, mais dans cette période, on voit bien se mettre en place un État centralisé sur lequel il sera par la suite de plus en plus difficile de revenir. Toute une mythologie, aux diverses éclosions intellectuelles et de diffusion des écrits, nait, se développe, s'édifie en une véritable toile d'araignée idéologique qui fait penser à la France éternelle. Des doutes quant à ces mythes surgissent aux moments de révolutions, qu'elles soient politiques, culturelles ou idéologiques. Et lorsque le mouvement de régionalisation comme aujourd'hui se développe et se justifie, les recherches historiques peuvent permettre de briser ces images qui ont fait cette France éternelle, jusqu'aux aspects les plus absurdes historiquement de celles-ci, comme celles de "nos ancêtres les Gaulois"...

   Même si c'est tout un ensemble de forces, économiques, politiques et religieuses pour tirent dans le même sens, on ne peut que constater l'action perçante de toute une administration, portée par un projet - souvent celui d'une pacification - emmenée par des serviteurs d'un Etat à construire, dont RICHELIEU et MAZARIN. Mais la stratégie d'Empire va au-delà d'eux. On peut considérer que les quatre Louis (de Louis XIII à Louis XVI), qui se suivent dans une stabilité dynastique, poursuivent cette même lancée, sans compter bien entendu un approfondissement lors de la Révolution, du Premier Empire, et même sous les monarchies et les républiques suivantes, jusqu'à l'orée de la seconde guerre mondiale. Mais déjà à ces époques, il ne s'agit plus de la même histoire.

Une stratégie de pouvoir intérieur

    On peut considérer que l'ensemble de la dynamique amorcée sous RICHELIEU trouve sa source surtout sur le plan intérieur, tant les bases de la monarchie semble encore fragiles au début de son action de "principal ministre". Fragiles sur plusieurs plans : par rapport aux Parlements, par rapport aux Villes, par rapport aux autres familles nobles qui peuvent prétendre à l'hégémonie elles aussi, se fondant sur une histoire politique parfois presque aussi riche que celle de l'ile-de-France et de Paris. Car si le territoire français est pratiquement déjà bien "constitué" dans des frontières qui ne vont plus beaucoup varié vers le milieu du XVIe siècle, par vassalisations successives et agglomérations de duchés et de comtés qui se déclarent régulièrement fidèle à la Couronne (suivant d'ailleurs des modalités hétéroclites) ayant établi sa capitale à Paris, il reste à effectuer une homogénéisation loin d'être acquise, tant les particularismes régionaux et même locaux peuvent mettre à mal, sous une crise ou une autre (notamment religieuse) le royaume dans sa substance. Aussi la stratégie d'Empire dont on parle ici n'est pas une stratégie de conquête militaire territoriale (militairement, on en est plutôt à la défense d'un vaste territoire), mais une stratégie de conquête intérieure, qui permet à terme de dire que réellement on a affaire à des Français loyaux,... qui paient impôts, qui acceptent de servir, qui prêtent régulièrement allégeance (surtout sous forme de fêtes d'ailleurs), qui ne se détournent pas du pouvoir royal ni de la religion officielle au gré des tentations extérieures ou régionales...

Par conquête ici, il faut entendre celle des coeurs et des esprits, ce qui sont encore loin d'être acquis aux Capétiens. Loin de se satisfaire d'une adhésion par défaut, car on meurt beaucoup dans les généalogies princières des provinces, mais une adhésion réelle. Et pour cela, il faut que l'Etat réalise (et apparaisse comme le faisant) la paix et la tranquillité partout sur le territoire royal. Les conflits d'allégeance (français et anglais par exemple), les conflits religieux et également les conflits commerciaux ont mis à mal jusque là, malgré la mise en place d'armées permanentes (un temps) et d'une fiscalité royale, cette capacité. La lassitude des peuples devant les ravages des guerres et l'insécurité endémique sur de nombreuses routes, qui n'a d'égale d'ailleurs que l'insécurité des mers, la volonté de puissance d'une dynastie millénaire ou presque, le désir d'autorités religieuses de régner sur les âmes sans partage, la diffusion d'une culture et d'un parler commun sont parmi les facteurs les plus sûrs pour qu'une autorité dotée d'une force militaire et de finances sûres s'affirme.

Si l'intention et la stratégie d'Empire existent, ses résultats restent mitigés : à l'homogénéisation culturelle (effet de cours, développement du théâtre et de la création artistique en général, propagande royale) ne correspondent pas encore le décloisonnement économique (existence persistante des douanes intérieures, des péages, des droits d'entrée dans les villes...), l'unification politique (résistance encore des Parlements, résistance des noblesses dont la fronde est une manifestation paroxysmique et... brève), judiciaire, fiscale (droits particuliers suivant les localités), sans compter les actions ambiguës de la Couronne elle-même : distribution des privilèges de toute sorte, distributions de terres et de titres ou carrément contre-productives (exclusion des protestants, qui conduit à des rebellions ouvertes ou larvées). Tant que la famine ou les épidémies ne guettent pas, le processus suit toutefois son cours, mais précisément, il suffit de plusieurs années de disettes (comme celles qui précèdent la révolution de 1789) pour que (au moins) les luttes politiques redistribuent toutes les cartes et de manière radicale.

   Cette stratégie de pouvoir intérieur, appuyée sur l'idéologie de la Raison d'Etat est donc menée de manière ferme dans ses débuts par RICHELIEU et MAZARIN sur plusieurs plans :

- Abaissement de la noblesse au profit du pouvoir royal : RICHELIEU estimant que les Grands abusent des biens et les utilisent de manière criminelle, notamment par ses prises d'armes régulières, supprime les hautes charges de seigneurs auprès du roi et fait raser plus de 2 000 châteaux forts qui ne sont plus utiles à la défense du royaume.

Il donne d'avantage de pouvoir aux Intendants nommées directement par la Couronne pour faire appliquer les décisions royales dans les provinces. Les assemblées provinciales (les Etats) sont parfois supprimées. L'institution de cette intendance de police, justice et finance, permet d'imposer à partir de 1635 le "tour de vis fiscal" qui suit l'entrée de la guerre de la France. Même si celui-ci est considéré comme abusif (et il est considéré comme abusif parce qu'il est effectif!) accroît l'impopularité de RICHELIEU à cette époque. Pendant de ces nouveaux pouvoirs de Intendants, les gouverneurs de province, parfois de puissants notables, sont surveillés et réprimés si besoin est. Il n'hésite pas à se servir de réseaux d'alliances et de factions locales à cette fin, même si en agissant ainsi, il provoque une redistribution de pouvoirs locaux qu'il ne peut contrôler.

Un jeu complexe s'instaure entre parlements, noblesse de robe, noblesse d'épée et pouvoir royal. RICHELIEU passe une grande partie de son temps à déjouer de nombreuses intrigues organisées par tous ceux que son action gène. Il lui faut agir également sur les moyens de violence (armes diverses et très variées) qui circulent sur l'ensemble du territoire royal. Il prend prétexte de la mort de son frère Henri lors d'un duel pour les interdire. Alexandre Dumas en fait plus tard un enjeu-prétexte des "barrages" entre mousquetaires du Cardinal et mousquetaires du Roi...

MAZARIN doit poursuivre les efforts de son prédécesseurs, notamment déjouer tous les complots. Contre les nobles, animant une brillante opération de communication politique, les mazarinades (cardinal de Retz et parti aristocratique), il combat les frondes (parlementaire et parisienne) et, par ricochet pourrait-on dire, rétablissant la paix civile en donnant encore plus de pouvoir au Roi. MAZARIN est considéré comme l'accoucheur de l'absolutisme. Dans ce combat, il n'oublie pas l'Église dont la haute hiérarchie joue un rôle trouble. Le contrôle qu'il instaure se dirige plus qu'avant sur ces évêques qui possèdent parfois de grandes richesses et des moyens militaires. Avec les règnes de Louis XIV à Louis XVI, le rôle des Intendants s'accroit et la bureaucratie parisienne s'améliore notablement (ce qui n'exclut pas les corruptions au passage) pour exploiter les ressources des provinces. 

- Abaissement de la maison d'Autriche (les Habsbourg qui règnent sur de nombreux Etats aux frontières communes avec la France) : RICHELIEU entreprend de rabaisser les prétentions de la maison d'Autriche en Europe, pas seulement dans le cadre de sa politique internationale, mais aussi parce qu'elle intervient souvent dans les affaires franco-françaises. Provocation de sécession (Catalogne, Portugal) ravage de certains territoires, exploitation des divisions au sein de la monarchie espagnole, grignotage de territoires avoisinant le royaume : Alsace, Artois, Roussillon... Il est difficile à RICHELIEU de mener de front les deux facettes de son entreprise stratégique, car pour affaiblir le maison d'Autriche, il faut constamment payer des troupes, augmenter les impôts, ce qui peut détruire la popularité acquise par ailleurs... Malgré la fin de la guerre de trente Ans (traité de Wesphalie de 1648), les difficultés financière s'aggravent, rendant les lourdes mesures fiscales de plus en plus impopulaires.  C'est l'une d'elles qui déclenche le première fronde, la Fronde parlementaire (1648-1649). 

- Contrôle des pouvoirs des Villes. Robert DESCIMON fait une lecture sociologique des changements opérés. 

C'est surtout pendant la fronde que changent les rapports de force entre le Roi et les villes. Alors que l'idée de royauté absorbait l'idée de bien public, alors que leur union consubstantielle avait constitué le mystère de la monarchie tempérée et de l'alliance des "bonnes villes" et de la royauté, les désordres compromettent ce système de ville ancienne, laissant la place au système de la monarchie en mal d'absolutisme. L'ancien équilibre se rétablit en faveur de la maison royale. Les barricades se situent à l'origine du processus d'engouement qui se termine en septembre 1652, et plus encore, en 1661, par la victoire de "Fronde royale". Durant la Pré-Fondre, le conflit s'était fixé sur la confrontation entre le fisc et le privilège. Les barricades faisaient apparaitre les persistances de l'ordre ancien où les cohésions communales, n'ayant pas besoin de l'État, s'affirmaient pour combattre ses intrusions. La guerre de Paris scelle l'accaparement parlementaire du mouvement, tandis que l'arrestation des princes fit rentrer cette "révolution manquée" dans la logique de la politique courtisane, puisque, dés l'hiver 1649, la guerre civile avait donné la parole aux professionnels des armes. Ce mouvement s'accompagne de l'exacerbation des conflits sociaux à l'intérieur de la population parisienne. La récupération sociale de la Fronde tend à lui faire perdre toute signification politique. C'est sans doute que si le peuple "donne le plus grand branle à tout ce qui se fait dans l'État", il faut entendre que (sous la monarchie absolue), "la force gît toujours de son côté" à la façon de cette souveraineté du peuple que (dans la République) il n'exerce que par ses représentants : les représentants de la force populaire, ce sont les Grands. Cette vision des choses rejoint celle de Bertrand de JOUVENEL (Du pouvoir) pour lequel la monarchie française a toujours "jouer" le "peuple" contre les seigneurs...  A ce jeu, les magistrats eux-mêmes sont le peuple, donnant raison à un postulat provocateur cher aux libertins érudits. "Le peuple se définit d'abord comme une catégorie intellectuelle, celle des esprits faibles". La "théorie baroque" peut passer à bon droit pour le fer de lance de la pensée absolutiste en ce qu'elle répudie l'idéal communautaire urbain et congédie les privilèges fondant l'essence corporative de la société. Dès lors, on laisse jouer des fractures purement sociales. (...).

Ce sont en apparence succédé, toujours pour Robert DESCIMON, une Fronde bourgeoise, une Fronde parlementaire et une Fronde princière que vient terminer la "Fronde royale". Structurellement, la crise recouvre trois enjeux : le premier regarde le maintien de la communauté bourgeoise face à l'affirmation des luttes de corps et de classes qu'encourageait la monarchie pour achever sa quête d'un absolutisme. Le second concerne la pratique monarchique à travers le combat entre le Parlement de Paris et le Conseil. Le troisième révèle la compétition entre deux modèles générateurs de sens politique, dans l'histoire, en raison du mouvement de récupération, et dans l'historiographie, en raison de la tradition parlementaire, qu'ont retrouvée les penseurs libéraux du XIXe siècle. le premier enjeu, instrumental, forme le levier grâce auquel la monarchie intervient sur le cours des événements. L'armature initiale du conflit, telle qu'elle apparait encore lors du tumulte de la rue Saint-Denis en janvier, est bâtie sur le troisième enjeu, la compétition entre le système central de l'Etat courtisan et le système local du corps de ville parisien, synthèse et expression des structures corporatives et confraternelles. Au moment des barricades, après l'arrêt d'Union et les propositions de la chambre de Saint-Louis, le second enjeu, celui de la pratique monarchique, a rejoint le troisième qui se perd alors durant la guerre de Paris, comme finit par le faire le deuxième enjeu, après l'arrestation des princes. 

On touche le concret de ces enjeux en regardant comment fonctionnait avant la Fronde la ville de Paris, les autres villes suivant grosso modo le même schéma. Ce fonctionnement qui influe sur la formation même de la ville est basé - lieux de vie et lieux de circulation, différents types de quartiers parfois très délimité par fonction (marchands, justice, entrepôts, ateliers, universités, églises...mais aussi par affinités territoriales et "ethniques", juif, anglais, breton...) - sur une triple ligne de défense. Car la ville s'est construit beaucoup autour de l'idée de sécurité et de commerce... La maison est fermée par ses portes et gardées par ses habitants. la rue est fermée par ses chaînes et gardée par ses bourgeois, la cité est fermée par ses remparts gardés par les mêmes. Cette structure constitue autant une défense contre les maraudeurs et les pilleurs que contre les autorités extérieures, y compris les seigneurs et la royauté. Il est difficile pour la monarchie de faire appliquer ses lois ou même de garder des alliances sans conférer d'importants privilèges à telle ou telle ville. Il est difficile pour elle de faire entrer des impôts dans ses caisses sans l'assentiment des autorités bourgeoises... Et il faut un "bout" de guerre civile pour changer cette situation. Les "tours de vis fiscaux" ne peuvent être effectifs sans la mise au pas d'une ville organisée ainsi... En voulant faire entrer l'argent pour financer les guerres, il faut briser cette organisation coutumière et la remplacer par un tout autre ordre... Si le pouvoir royal gagne la "guerre" des frondes, il ne s'impose jamais totalement, mais il suffit d'un changement de rapports de force, surtout symbolique, mais aussi terriblement pratico-pratique pour que l'objectif qu'il se fixe, financer son train de vie et ses guerres, soit atteint. Pour cela, il faut et il suffit d'avoir la main sur l'organisation de tout le système sécuritaire de la Ville, d'une manière ou d'une autre, soit la police, la justice, le guet, la lutte contre les incendies et la luttes contre les épidémies et c'est essentiel le contrôle des approvisionnements de la ville. C'est fait sous Louis XIV avec des intendants qui contrôlent non seulement l'activité des milices urbaines mais également leur recrutement. C'est fait toujours partiellement, mais le pouvoir royal n'ira jamais plus loin que l'affirmation de sa suprématie, que l'acquiescement affiché et célébré de la loyauté entre le Roi. 

- Consensus idéologique autour du Roi, selon deux modalités : censure des oeuvres "inconvenantes" et "troublant l'ordre public" ; Développement des activités artistiques et littéraires en faveur de la bonne image du Roi. RICHELIEU met en place tout un système de libelles et de journaux officieux, destiné entre autres à contrecarrer la prolifération, notamment dans les grandes villes de feuilles contestataires de toute sorte.

C'est pendant le "Grand Siècle" du roi Louis XIV que se développe tous les progrès en la matière. Progrès poursuivi jusqu'au coeur des Lumières auxquelles adhèrent, on l'oublie parfois, les monarques eux-mêmes. Quitte à ce que cette floraison de talents leur échappe. Ces développements, sous les trois derniers Louis notamment, déteignent sur l'ensemble de l'Europe, jusqu'à établir dans les cercles intellectuels la suprématie du Français.

La machine judiciaire est mise au service de la stratégie d'information du pouvoir royal. 

- Mercantilisme et dirigisme économiques (COLBERT entre autres)

- Un système fiscal qui cherche sa cohérence. Malgré la création de nouveaux impôts, malgré une amélioration des rentrées et un progrès réel dans leur effectivité, effectivité freinée par l'existence de foyers de révoltes et de résistances, les masses nécessaires d'argent obligent le roi à recourir à des expédients. Parmi ces expédients, la vente des charges officielles finit par occuper une grande place. Elle réintroduit une grande partie de la noblesse dans l'appareil d'État, même si cela se paie (à commencer par la petite noblesse rurale) par un appauvrissement de celle-ci. Alors que RICHELIEU et MAZARIN oeuvrent pour que ces charges (civiles et militaires) ne soient plus aux mains des Grands, elles peuvent dans les années qui suivent repasser dans la classe des nobles qui, conjointement avec leur action dans les Parlements, freinent plus tard, notamment sous Louis XV et Louis XVI, toutes les réformes qui permettraient une meilleure répartition des richesses et des pouvoirs, notamment celles qui touchent à... l'impôt. Malgré tout l'apparat idéologique dont s'entoure l'absolutisme du Roi, apparat d'ailleurs de plus en plus coûteux, le pouvoir absolu tant désiré par ses initiateurs (voir le Testament de RICHELIEU, désirant de mettre en place une politique de salut public) a tendance à se déliter...

 

Une stratégie de pouvoir extérieur

Tous les éléments cités auparavant sont dans l'esprit de ceux qui la pensent et la pratiquent  au service de la puissance du royaume de France en Europe, même si les effets majeurs sur la suite de l'Histoire se situent plus à l'intérieur des frontières. L'issue de la guerre de Trente Ans, la paix de Westphalia, qui ne clôt pas pour autant le cycle des guerres en Europe, conforte la France dans un rôle européen majeur. Cette stratégie est permise par tout un ensemble de réformes dans les armées et dans la tactique, conduites entre autres par TURENNE et CONDÉ (voir à ces noms dans le blog). Les grands capitaines peuvent compter sur le fait que leurs adversaires sont souvent dans des alliances intermittentes et mal coordonnées.  

 

   La combinaison, même si cela relève d'une analyse après-coup, des deux stratégies donnent un modèle français de monarchie absolue, qui fait contraste avec de nombreux pays protestants. Si ce modèle est tant admiré par ailleurs, c'est parce qu'il assure un temps la paix civile à l'intérieur des frontières, même si en fin de compte le système économique, même supporté par de bonnes conjonctures, ne parvient à compenser les effets des ponctions fiscales royales. Et surtout le poids démographique d'un ensemble si vaste, par rapport à ses voisins, constitue un atout tant civil que militaire.

Mais c'est un modèle sous pression et de plus en plus fragile, qui ne se maintient que parce que l'accroissement des doléances, des impopularités - causé par des pauvretés et des misères sociales et des injustices flagrantes - est en partie contenue à la fois par l'espoir du peuple dans son ensemble envers le Roi (notamment grâce à une Eglise gallicane forte) et une censure impitoyable, même si elle se délite et se contourne, de toutes les expressions contestataires.

Robert DESCIMON, Les barricades de la Fronde parisienne, Une lecture sociologique, dans Annales, Economies, Sociétés, Cvilisations, 45ème année, n°2, 1990, www.persee.fr. Christian JOUHAUD, Les libelles en France au XVIIe siècle : action et publication, Cahiers d'histoire, Revue d'histoire critique, n°90-91, 2003, www.revues.org.

 

STRATEGUS

 

 

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